07 juin 2006

Réunion avec E.Halphen sur la Justice






Intéressante soirée-débat (à l'Agéca 177 rue de Charonne à Paris) sur la Justice (sous l'égide de la C6R) avec :

- Eric Halphen (magistrat)
- Séverine Tessier (présidente Anticor et DN Rénover Maintenant)
- Thomas Clay (Professeur de droit privé)

Autour des livres : Le bal des outrés (Halphen), Polynésie les copains d'abord (Tessier) et Reconstruire la justice (Clay).


"Quelle Justice pour la 6éme République ?"

avec..Eric Alphen

Il s'interroge sur la dépréciation de l'institution judiciaire, du manque de reconnaissance citoyen et des pressions excercées (financières, politiques) sur ses juges..tout en affirmant clairement que la Justice ne pourrait être indépendante, qu'avec une police indépendante de la tutelle du Ministère de l'Intérieur.

Quelques suggestions d'Eric pour améliorer la justice et les institutions :

- une police judicière rattachée à la justice

- un conseil de la magistrature vraiment indépendant (moins de syndicats, de politiques)

- une responsabilisation accrue des juges, la fin de l'auto-protection du "milieu"

- rompre l'isolement des jeunes magistrats (réduction des tribunaux / dept-régions)

- césure nette entre le parquet et le siège

- supprimer les mises en examen (pour un statut global de témoin, à la base)

- suppression du secret de l'instruction (impossible à tenir pour les affaires sensibles) et anonymat garanti pour les juges d'instruction avec..la présence d'un personnage différent (haute administration) s'occupant de la communication médiatique

- motivations des décisions des cours d'assises, avec des jurés isolés (prob.médias)

- création de commissions permanentes sur les prisons, les médias

- création d'un droit de recours citoyen sur le manque d'ouverture d'une information

- une coopération renforcée, avec l'Europe et le Monde, dans l'investigation judiciaire (actuellement beaucoup trop longue, parfois un an ou plus) et des procédures communes

- renforcer le combat international contre la filière commune de corruption, banditisme : drogue, finances occultes (paradis fiscaux, blanchiments), détournements à des fins politiques

- accroitre une réelle repression (trop d'amnesties actuellement) légitime à l'égard des politiciens détournant de l'argent public, avec une plus grande rigueur dans l'application des décisions sur l'inégibilité et ses conséquences sur les carrières politiques

- appliquer vraiment le non-cumul des mandats afin de limiter les tentations locales (marchés publics et procédures d'attributions), liés à la faiblesse d'un élu

Sur la Commission Outreau, il n'a pas manqué de s'interroger...sur le rôle du parlement et de la non saisie d'autres affaires pourtant plus que délicates (clearmstram, terrorisme, Allegre etc..) tout en se demandant si la pression politico-médiatique autour d'un jeune juge d'instruction était vraiment la bonne méthode pour permettre à la justice d'évoluer, dans la sérénité.


La justice française lui apparait de qualité, avec des problémes (liés à son financement très insuffisant et à son organisation territoriale), mais en aucun cas inférieure à ses conseurs anglosaxons (où la défense est moins objectivement assurée et dépendant essentiellement des ressources financières).

Le recours généralisé à des enquêteurs privés, en Angleterre ou aux USA, favorise l'émergence d'une justice du pauvre et une autre du riche..avec la multiplication d'enquêteurs privés (voir affaire Simpson ou Jackson) pour les plus fortunés, alors que pour une personne modeste il est difficile de se faire entendre et d'obtenir un jugement équitable.

Contrairement à T.Clay, Eric est très circonspect sur l'efficacité d'une utilisation plus importante des citoyens au sein de la justice...en raison de leur manque de professionnalisation, du caractère de plus en plus médiatique des affaires et de la pression exercée sur eux.

Au sein du débat final, Eric Halphen fort à propos précise aux béotiens que nous sommes..que très souvent entre le droit et l'éthique, le magistrat est contraint de choisir le droit car il se base sur des preuves, d'informations importantes/décisives, d'éléments objectifs durant la procédure et ne peut se satisfaire de sa propre conviction personnelle..sur un dossier délicat.

Séverine Tessier

Le malaise judiciaire actuel vient d'un sentiment, chez les citoyens, que les politiques s'auto-amnestient ou gracient leurs copains..alors que la justice pénale parait impitoyable avec le citoyen de base.

Suite à cette indignation quasi générale, de beaucoup de citoyens mais aussi d'élus refusant la corruption organisée, est née ANTICOR...une association luttant fermement contre la corruption politique sous toutes ses formes.

Comment accepter que des élus inculpés, se représentent et soient élus de nouveau (avec certes des taux d'abstention élevés) dans les mêmes circonscriptions, par les citoyens ?

ANTICOR exige clairement l 'inéligibilité "à vie" pour les cas de corruption avérés, en particulier ceux touchant les deniers publics et le financement des partis..mais aussi des exclusions annuelles de marchés publics pour les entreprises impliquées.

Séverine juge sévèrement l'accumulation de dossiers classés sans suite, d'amnesties, de sursis et met l'accent sur la délinquance en col blanc, les carrières politiques baties par ce biais....mais tient aussi à ce que l'on laisse toute latitude à la justice, aux juges de mener leurs enquêtes à fond (une urgence sociale pour nous tous).

Une pétition ANTICOR contre la délinquance en col blanc vient d'être lancée (site, courrier).

Plus largement ce sont les pratiques politiques, les régles institutionnelles qui sont à changer..pour mettre l'élu au centre et qu'il retrouve rapidement le respect des citoyens français.

Thomas Clay

La justice lui parait en lambeaux, en état de mort chronique.

Dans le cadre des perspectives étudiées sur la 6éme République, une réforme des institutions doit aussi être envisagée rapidement et RM a d'ailleurs glissé un amendement en ce sens dans le projet socialiste.

L'enveloppe budgetaire de la justice est tout simplement ridicule (5,6 Milliards soit 1,8% du budget français) et ne permet pas un bon fonctionnement, des réformes necessaires.

Thomas salue la Commission d'Outreau, ses travaux et débats..tout en se demandant si l'on n'en oublie pas la justice "quotidienne" qui frappe, plus modestement, nos concitoyens.

Dans son livre, il propose avec un clin d'oeil Mittérandien..110 propositions pour la justice et souhaite enfin une vraie volonté politique concernant la réforme de l'institution judiciaire, et la fin des propos creux (type Chirac..années après années) faits de promesses non tenues.

C'est avant tout une volonté claire de réconcilier le citoyen avec la justice, en la simplifiant (textes et languages/juridictions/statuts des magistrat) et en la rapprochant (suppression des avoués, avocats du ressorts).

Le citoyen se devra d'être au coeur des juridictions (dans les tribunaux correctionnels), et un rééquilibrage entre juges professionnel et non professionnel reste à faire (tribunaux commerce).

Le Conseil de la Magistrature, trop sous tutelle, ne tient plus son rôle et pourrait être remplacé par un Conseil Supérieur de la Justice (avec des magistrats en minorité, plus de personnalités).

Aussi dans le cadre des simplifications, la création d'un bureau de réception des actes servirait les citoyens en leur permettant, sans formalité excessive et rapidement, de faire suivre leurs actes dans les différentes juridictions et d'accélerer les procédures. Le citoyen serait impliqué autour de chartes de qualité établies par juridictions, dans le but de faire progresser la justice et de la maintenir au service des gens.

Thomas finit sur quelques idées, que malheureusement, l'absence de temps ne permet pas de développer :

- suppression des décorations des magistrats, lutte contre leurs relations avec les politiques

- anonymat des juges d'instructions

- exonération de la TVA pour les juges non professionnels

- enseignement du droit bien plus tôt

- simplification des actes judiciaires (codage informatique clair),

classement et communication sur internet

Débat....

- Intervention de l'Association "Stop à l'Oubli" (Toulouse/Affaire Allegre) sur l'attitude des médias, de la justice..dans une affaire qui passionne, émeut et trouble toujours !

- Quelques doutes sur la capacité de la justice à "se réformer", avec des témoignages sur la grande force de cette institution à "s'auto protéger" par réflexe acquis

- Beaucoup de méfiance des citoyens devant l'appareil judiciaire, sa complexité, sa force

- Rendre la cour des comptes beaucoup plus utile, que les rapports servent enfin au judiciaire

- Interrogations sur l'intérêt de l'inégibilité des hommes politiques, sur la compétence..de ceux ou celles qui les remplaceraient !

- Question sur l'Appel de Genève...enterré depuis dix ans sur les investigations (E.Alphen)

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